Un drame démocratique se joue au Niger depuis la décision plus qu’inattendue prise par une junte militaire de s’accaparer du pouvoir en prenant en otage le président de la République élu et sa famille. Rarement un coup d’Etat a fait l’unanimité au niveau de la communauté internationale. De l’organisation sous-régionale ouest-africaine, la CEDEAO, à l’Union européenne, en passant par l’Union africaine, chaque condamnation y est allée certes avec un lexique varié, mais assez tranchant dans les protestations.

Le tollé d’indignation a été tel que sans doute fouettée dans son orgueil, cette CEDEAO habituellement donnée pour être assez amorphe a subitement sorti les griffes, n’excluant pas une intervention militaire en vue de rétablir l’ordre constitutionnel au Niger.

Véritable choix cornélien, si l’on en juge par la diversité des opinions ou prises de positions par rapport à l’emploi de la force. Un tel emploi, même si ce sont des génies de l’art de la guerre qui sont mis à contribution, n’exclurait point du tout des pertes collatérales, au niveau surtout des populations civiles.

Ailleurs, sous d’autres cieux, comme certainement en Ukraine, de telles pertes ne pèseraient peut-être pas si lourdes dans la balance. Quand bien même au Niger ou en Ukraine, il s’agit d’un combat pour la liberté, surtout pour la sauvegarde de la démocratie. Evidemment qu’au gré des intérêts, on peut toujours s’aménager des chemins moins consensuels de sortie de crise. Au bout, il va falloir cependant s’attendre aux conséquences.

Le coup d’Etat au Niger, à notre humble avis, ce n’est pas tant l’accaparement du pouvoir par les armes ou la force des baïonnettes qui devrait préoccuper ou susciter l’indignation. Après tout, en l’espace de quelques petites années seulement, il y a eu quatre coups d’Etat successivement au Mali, en Guinée et au Burkina Faso pourtant ‘’pays des hommes intègres’’. Là où le bât blesse certainement, au point de semer le doute, l’inquiétude et la peur, c’est que l’exception nigérienne ne finisse par devenir la règle.

Autant, dans les différents pays cités, on a procédé à des coups de force, autant on a vite assuré de la préservation de la ligne démocratique, si on ne s’est pas vanté d’ailleurs d’en modifier positivement la trajectoire. Sauf qu’en démocratie, il y a très souvent, si ce n’est d’ailleurs la seule voie d’accéder au pouvoir, le suffrage universel ou populaire. Quiconque évidemment dans un contexte démocratique veut arriver au pouvoir, aménage ses stratégies pour y arriver par les urnes. Penser autrement ou agir différemment, c’est-à-dire par la forces des armes, c’st sérieusement compromettre cette voie-là. Et la conséquence in fine pourrait être des plus douloureuse quand d’aucuns, organisations politiques, mouvements, associations, en viendraient à penser qu’il ne servirait plus à rien d’aller en compétition électorale, voire solliciter les suffrages du peuple. Toute chose qui n’est point du tout souhaitable à notre avis. Parce que ce serait la porte grandement ouverte alors à certaines aventures très malheureuses, vécues sous certains soucieux n’ayant jamais réussi à vivre tranquillement et dignement de leurs richesses, parce que constamment confrontés à des guerres fratricides. Faudrait-il pour autant militairement intervenir au Niger afin d’y sauver la démocratie à une plus grande échelle ? A chacun, le fameux choix cornélien donc…

In LESTANDARD 569