L’actualité récente a été dominée par la décision de l’interdiction de sortie du territoire prise par le procureur de la CRIEF Aly Touré contre 34 directeurs des Affaires Administratives et Financières (DAAF) au titre de mesures conservatoires.

Cette décision intervient suite à une dénonciation suivie d’un communiqué de la primature daté du 23 octobre indiquant que les documents de voyage diplomatiques et de services des membres du gouvernement leur seront retirés.

Officiellement, la mesure s’inscrit dans la soi-disant refondation de l’État guinéen pour prétendument améliorer la qualité des services publics.

Officieusement, le légionnaire Mamadi Doumbouya, visiblement agacé par des pratiques non orthodoxes de certains ministres et des déplacements coûteux de l’équipe gouvernementale, veut siffler la fin de la recréation après 25 mois d’exercice du pouvoir.

Cela sonne comme un cinglant aveu d’échec du putschiste en chef Mamadi Doumbouya qui avait fait de la lutte contre la corruption la colonne vertébrale de sa transition.

Tout ceci n’est que l’arbre qui cache la forêt, la surface visible de l’iceberg alors que la partie immergée donnerait le vertige.

En effet, ces 34 DAAF ne sont que des lampistes mis sous les feux des projecteurs pour détourner l’attention de la prédation à grande échelle des plus grands acteurs de la corruption de l’histoire récente de notre pays.

Alors que le devoir d’exemplarité qui aurait dû s’imposer au plus haut sommet de l’Etat commanderait une attitude irréprochable de la part du légionnaire, on ne peut que s’amuser de le voir se réveiller deux ans après.

Pire, faire la morale à ces 34 DAAF et à quiconque se rendrait coupable d’actes répréhensibles de corruption , est une insulte à l’intelligence collective quand on sait que Mamadi Doumbouya n’a aucun scrupule à arborer indécemment à son poignet des montres Richard’s Mills dont le prix ostentatoire varie entre 500.000 et 2.000.000 millions d’euros.

C’est l’hôpital qui se moque magistralement de la charité.

Et pourtant, la volonté exprimée par les putschistes du 5 septembre 2021 de rompre avec les pratiques liberticides du passé est l’une des raisons pour lesquelles le coup d’état a été largement applaudi par les Guinéens. C’est le désenchantement total !

Cette volonté semble s’être perdue dans les méandres de leur appétit vorace quand il s’agit de siphonner les caisses de l’Etat.

Tout début de moralisation de la vie publique exigerait de la part du colonel, s’il veut retrouver un minimum de crédibilité, d’imposer aux membres du CNRD et de son gouvernement de déclarer leurs biens à commencer par lui-même pour montrer l’exemple.

La création de la Cour de répression des Infractions Economiques et Financières (CRIEF) a d’ailleurs suscité un immense espoir quant à la lutte contre la corruption et la moralisation de la vie publique.
Les Guinéens ont désormais compris que cette entité ne constitue que la milice privée de la junte.

Notons que le refus systématique des membres de la junte de déclarer leurs biens a jeté un doute sur leur approche vertueuse. Et les faits commencent à donner raison à ceux qui s’étaient montrés méfiants.

En effet, les « moralisateurs et refondateurs » sont eux-mêmes loin d’être des modèles. Loin s’en faut.

Arrêtons-nous sur un exemple très éloquent. Celui du Colonel Mamadi Doumbouya, Président du CNRD, qui s’avère être l’heureux propriétaire de biens immobiliers ostentatoires que voici avant le 05 septembre 2021:

❖ Un étage R+10 en construction à kakimbo (Kipé) non loin de l’hôpital SINO-GUINÉEN;
❖ Une luxueuse villa à Dubréka;
❖ Une autre villa non moins cossue à Kindia;
❖ Une magnifique résidence du coté de Kankan;
❖ Sans compter les grosses cylindrées acquises dans des conditions loin d’être orthodoxes.

Et tenez-vous bien: tout ceci avec un salaire net mensuel de 3 millions et neuf sacs de riz.

Apres le 05 septembre, voici ses nouveaux biens :

❖ Un autre étage R+10 en construction à kakimbo(Kipé) non loin de l’hôpital SINO-GUINÉEN, contigu au premier avant le 05 septembre,
❖ Un immeuble R+12 à la minière non loin du domicile du premier ministre monsieur Sydia Toure,
❖ Un château en construction à kankan sur la nationale Conakry-kankan,
❖ Une résidence en banlieue parisienne,
❖ Une résidence à Cocodi à Abidjan.

On comprend aisément que la refondation de l’Etat tant criée sous tous les toits n’est que chimère.

En lieu et place, nous assistons à une course à l’enrichissement illicite effréné au grand dam des populations Guinéennes qui peinent à s’offrir un repas par jour.

Dès lors, le retour à l’ordre constitutionnel est loin d’être sa priorité !

SEKOU KOUNDOUNO
RESPONSABLE DES STRATÉGIES ET PLANIFICATION DU FNDC