Le régime du président nigérien Mohamed Bazoum a été renversé par des militaires mercredi 26 juillet, ont annoncé ces derniers dans une déclaration lue par l’un d’entre eux à la télévision nationale à Niamey, au nom d’un Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP).

« Nous, forces de défense et de sécurité (FDS), réunies au sein du CNSP, avons décidé de mettre fin au régime que vous connaissez », celui du président Bazoum, a déclaré le colonel-major Amadou Abdramane, entouré de neuf autres militaires en tenue. « Cela fait suite à la dégradation continue de la situation sécuritaire, la mauvaise gouvernance économique et sociale », a-t-il ajouté, annonçant la suspension de « toutes les institutions ».

Il a ensuite affirmé « l’attachement » du CNSP au « respect de tous les engagements souscrits par le Niger », rassurant également « la communauté nationale et internationale par rapport au respect de l’intégrité physique et morale des autorités déchues conformément aux principes des droits humains ».

L’armée a apporté jeudi 27 juillet son soutien aux militaires putschistes. « Le commandement militaire des Forces armées nigériennes (FAN) » a « décidé de souscrire à la déclaration des Forces de défense et de sécurité », indique un communiqué signé du chef d’état-major, le général Abdou Sidikou Issa, afin d’« éviter une confrontation meurtrière entre les différentes forces ».

Des manifestations de soutien aux putschistes

Une manifestation de soutien aux putschistes a rassemblé jeudi plusieurs centaines de personnes dans la capitale, Niamey, devant l’Assemblée nationale. Parmi elles, des jeunes se sont rendus au siège du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir), à quelques kilomètres du rassemblement, où ils ont pillé l’immeuble et mis le feu à des voitures garées sur le parking. Pendant la manifestation, un véhicule a foncé dans la foule avant d’être endommagé et son conducteur molesté, selon un journaliste de l’AFP. Un député qui participait à la manifestation a essuyé des jets de pierres, puis a été exfiltré par d’autres manifestants.

Dans une foule parsemée de drapeaux russes, des jeunes criaient, « À bas la France, vive la Russie ! » Ils étaient regroupés derrière Issouf, garagiste, qui affirmait que « la France n’a pas su gérer nos problèmes, on a besoin de prendre notre propre destin en main » ! La Russie s’est rapprochée du Mali et du Burkina Faso dirigés par des militaires putshistes qui ont exigé le départ des troupes françaises, toujours présentes au Niger avec 1 500 hommes.

À Dosso, ville située à une centaine de kilomètres au sud-est de Niamey, « des centaines » de manifestants pro-putschistes ont également sillonné les rues avant de tenir un meeting, a affirmé l’un des organisateurs, Hassane Bagué.

Fermeture des frontières et couvre-feu instauré

« Toutes les institutions issues de la VIIe République sont suspendues, les secrétaires généraux des ministères se chargeront de l’expédition des affaires courantes, les forces de défense et de sécurité gèrent la situation. Il est demandé à tous les partenaires extérieurs de ne pas s’ingérer », indique en outre la déclaration. Celle-ci semble indiquer que tous les corps de l’armée, de la police et de la gendarmerie se sont ralliés à la garde présidentielle.

Par ailleurs, « les frontières terrestres et aériennes sont fermées jusqu’à la stabilisation de la situation » et « un couvre-feu est instauré à compter de ce jour de 22 heures à 5 heures [21 heures à 4 heures GMT] du matin sur toute l’étendue du territoire jusqu’à nouvel ordre ».

Les militaires putschistes ont d’ailleurs accusé jeudi 27 juillet la France d’être « passée outre » leur décision de fermer les frontières en faisant atterrir à Niamey un avion militaire. En référence à la décision annoncée mercredi soir « relative à la fermeture des frontières aériennes et terrestres, il a été constaté que le partenaire français est passé outre pour faire atterrir un avion militaire de type A401 à l’aéroport international de Niamey ce matin (jeudi) à 6 h 30 » (5 h 30 GMT), affirment les putschistes dans un communiqué, en appelant « une fois pour toutes au respect strict des dispositions » prises par la junte.

La communauté internationale condamne la tentative de prise de pouvoir

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a demandé « la libération immédiate » du président en apportant un « soutien indéfectible » à Mohamed Bazoum et à la démocratie du Niger. « Je me suis entretenu avec le président Bazoum plus tôt dans la matinée et je lui ai dit clairement que les États-Unis le soutenaient résolument en tant que président démocratiquement élu du Niger. Nous demandons sa libération immédiate », a déclaré Antony Blinken, en visite en Nouvelle-Zélande.

Washington, qui refuse de préciser si la révolte militaire était un coup d’État, une qualification qui pourrait entraver la coopération des États-Unis avec les autorités nigériennes, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, « condamne cet effort visant à prendre le pouvoir par la force et à renverser l’ordre constitutionnel », a ajouté le secrétaire d’État américain.

De son côté, la France condamne « toute tentative de prise de pouvoir par la force », a fait savoir Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères. Paris « s’associe aux appels de l’Union africaine et de la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, NDLR] pour rétablir l’intégrité des institutions démocratiques nigériennes », a-t-elle écrit sur son compte Twitter, rebaptisé X.

La cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, a qualifié le putsch au Niger de « gifle » pour les habitants du pays, dans un communiqué publié après un entretien avec son homologue nigérien, Hassoumi Massoudou. Elle a apporté son « plein soutien » à « l’évolution démocratique du Niger » et demandé la « libération immédiate du président » renversé nigérien Mohamed Bazoum, indique le communiqué.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a condamné « fermement le changement anticonstitutionnel de gouvernement » au Niger, a déclaré son porte-parole mercredi après que des militaires putschistes ont annoncé avoir renversé le président élu Mohamed Bazoum. Il s’est dit « profondément troublé » par la détention du président Mohamed Bazoum par des membres de la garde présidentielle, a déclaré son porte-parole, Stéphane Dujarric, dans un communiqué. « Le secrétaire général appelle à la cessation immédiate de toutes les actions qui sapent les principes démocratiques au Niger », a ajouté M. Dujarric.

Le chef de la diplomatie et chef du gouvernement nigérien par intérim, Hassoumi Massoudou, a, lui, rejeté jeudi le coup d’État en déclarant que son gouvernement représentait « les autorités légitimes et légales », dans un entretien à France 24. « Le pouvoir légal et légitime est celui exercé par le président élu du Niger, Mohamed Bazoum », actuellement séquestré par des militaires putschistes à la présidence à Niamey, a-t-il martelé, ajoutant que M. Bazoum était « en bonne santé ».

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