Un incendie s’est emparé du grand marché de Matoto dans la nuit du mercredi à jeudi, 20 avril 2023. Des magasins, boutiques, conteneurs et leurs contenus ont été dévastés par la flamme. Loin d’être un court-circuit, cet incendie serait l’œuvre des agents de la police, selon des informations recueillies sur place.

C’est aux environs de 4 heures du matin que des agents de la police, munis d’essence, ont d’abord réuni les tables des femmes vendeuses et étalagistes dudit marché avant de les brûler. À en croire certaines victimes, c’est cette flamme qui s’est propagée, occasionnant des dégâts matériels importants. Une vingtaine de magasins et de boutiques ont été calcinés dans le sinistre.

Yarie Kindia Camara, femme leader au marché de Matoto, raconte ce qui s’est passé. « Moi, je suis arrivée ici à 3 heures du matin. J’ai trouvé qu’ils avaient mis les cordes pour encercler la zone. J’ai demandé aux gens, qu’est ce qui ne va pas ? On m’a dit que ce sont les policiers qui sont en train de réunir les tables. Entretemps, un agent a mis le feu. J’ai eu peur. J’ai alerté les autres femmes qui étaient dans les parages, leur disant de quitter parce que j’avais peur que la flamme atteigne le fil électrique et que cela tombe sur elles. Du coup, j’ai entendu un policier appelé pour savoir s’il faut confisquer les véhicules qui transportent les marchandises ou s’il faut les brûler. Je suis allée dire aux chauffeurs d’enlever leurs engins, sinon, ils vont tous les brûler. Pendant ce temps, ma fille est venue m’informer que le feu touchait les boutiques. Au début, je n’ai pas cru. Mais effectivement, le feu avait attaqué plusieurs boutiques et magasins », a-t-elle expliqué.

Hawa Barry, vendeuse d’habits et de chaussures, dit avoir tout perdu dans sa boutique. En plus, cette victime dit ne pas être prête à pardonner les coupables de cet acte. « On m’a appelé vers 4 h pour me dire que les policiers étaient en train de brûler les tables, qu’ils ont mis de l’essence sur les tables sèches.  Et du coup, le feu a pris nos boutiques. Arrivée sur place, quand nous avons tenté d’éteindre le feu, ils nous ont gazés. Ils ont refusé qu’on éteigne le feu pendant que nos marchandises se brûlaient à l’intérieur de la boutique. Dans ma boutique, je vends des habits, des chaussures et des sacs. Je ne peux pas estimer combien j’ai perdu dans cet incendie. Même hier, j’étais à Madina pour envoyer des marchandises. On a rien récupéré dedans. On va manifester et aller jusqu’au bout, parce que ça, on ne peut pas tolérer. Si c’était un court-circuit, on pouvait comprendre. Mais ça, c’est expressément fait par les policiers », a-t-elle laissé entendre.

De son côté, Djan Pathé Diallo, technicien au marché Matoto, explique que depuis hier mercredi les mêmes policiers guettaient les femmes. « Hier, j’ai vu de mes propres yeux les agents qui ont voulu déguerpir les femmes au bord de la route ici. Je ne sais pas ce qui s’est passé, c’est après la nuit maintenant qu’ils sont venus réunir les tables, ils les ont aspergées d’essence avant de mettre le feu. Ce sont les policiers qui ont fait ça. Maintenant, quand les gens sont sortis pour éteindre le feu, ils ont refusé que les gens s’approchent. Il y a eu plusieurs dégâts matériels : plus d’une quinzaine de boutiques et de conteneurs ont été brûlés. D’habitude, s’ils veulent brûler les tables, ils les amènent à côté, ils les brûlent. Pourquoi cette fois-ci, ils ne sont pas passés par cette méthode, c’est parce qu’ils avaient quelque chose derrière la tête. On demande à l’Etat de venir faire un recensement des victimes. Après tout cela, ils n’ont qu’à voir comment dédommager les gens… ».

Mamadou Saliou Barry a également perdu beaucoup d’objets de valeur dans ce sinistre. « Moi, c’est mon frère qui m’a appelé quand j’étais à la mosquée, pour me dire que les policiers ont mis le feu au marché. Une fois là-bas, j’ai trouvé que les policiers étaient en train de faire la pagaille avec les amis qui sont en haut là-bas. À ma grande surprise, je viens trouver que tout est brûlé dans ma boutique. J’ai perdu beaucoup d’argent ici. Moi, je suis un diplômé. Ça fait trois ans que je suis au chômage. J’ai monté cette entreprise pour subvenir aux besoins de ma famille. J’avais des iPhone ici, des Samsung Android, des téléphones simples… j’ai perdu plus de 30 millions GNF. En plus, la marchandise ne m’appartient pas, je vais prendre à crédit pour revendre. On ne sait pas quoi faire », se lamente-t-il.

À noter que cette situation malheureuse a engendré des échauffourées entre forces de l’ordre et jeunes manifestants du quartier Matoto. Ces accrochages se sont soldés par plusieurs arrestations.

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