A l’occasion de la journée internationale des droits de la femme, Fatou Baldé Yansané, Directrice exécutive de la Coalition des Femmes Leaders (COFEL) s’est prononcée sur le niveau (actuel) d’émancipation des femmes guinéennes.

Selon elle, il est très difficile aujourd’hui d’être satisfait d’une situation aussi complexe que l’émancipation des femmes, le respect de leurs droits. Pour permettre aux femmes de bénéficier des mêmes privilèges que les hommes, le travail se situe à plusieurs niveaux.

La Guinée, à l’image d’autres pays du monde, célèbre ce 8 mars, la journée internationale des femmes, dites-nous quel sentiment vous anime ?

C’est toujours le même sentiment, c’est la journée internationale des droits de la femme, c’est de dire qu’est-ce que nous avons pu faire, qu’est ce nous devons faire et qu’est-ce que nous pouvons faire ? Et, également, quels ont été les résultats de ce qui a été fait depuis, prenons, une décennie. C’est toujours une occasion pour les femmes de faire un bilan, de faire une rétrospective et d’envisager les perspectives. Cette année, la journée a été placée sous le signe de la digitalisation pour l’égalité des sexes. C’est vous dire que dans un monde qui évolue, les femmes doivent s’insérer dans cette évolution. Mais encore, faut-il qu’elles soient suffisamment outillées, suffisamment éclairées et suffisamment informées pour promouvoir cette digitalisation et ces outils digitaux au bénéfice de leurs activités. C’est tout l’enjeu qui est là pour qui sait qu’aujourd’hui, on ne peut pas vivre en dehors de cette technologie qui a fini par absorber et nous rendre même paresseux parce que tout simplement, ça a facilité la vie et le quotidien.

A votre avis, quelles sont les conditions dans lesquelles vivent les femmes guinéennes, est-ce que vous êtes satisfaite de ces conditions ?

Vous savez, il est très difficile d’être satisfait d’une situation aussi complexe que l’émancipation des femmes, le respect de leurs droits. C’est des résultats très disparates. Lorsque vous prenez les zones urbaines où les femmes ont accès à un service de santé adéquat, accès à l’information et même aux outils digitaux pour exprimer leur ressentiment, on peut évaluer. Mais il y a des endroits où les femmes vivent encore comme au siècle dernier, où elles n’ont accès à rien, où même pour accoucher c’est au risque de leurs vies, même pour avoir un médicament ou pour faire vacciner leurs enfants, c’est la croix et la bannière. Lorsque vous voulez donc faire une comparaison de manière globale, c’est difficile de trouver le juste milieu. Autant il y a une classe qui est privilégiée, qui a accès à certaines choses, autant il y a une autre, une majeure partie des femmes qui sont soumises à toute sorte de travail, soumises à des conditions difficiles de mener une grossesse et d’accoucher dans des conditions normales, pour élever leurs enfants et de leur donner une éducation adéquate. On ne peut pas donner de satisfaction à ce niveau. C’est de dire que la lutte doit continuer, le combat doit être menée pour qu’on puisse converger vers une situation plus ou moins acceptable dans laquelle les femmes pourront vivres de manières beaucoup plus correctes et beaucoup plus descentes.

Au-delà des textes en faveur des droits des femmes, est-ce qu’on peut dire qu’il y a une culture d’égalité, de respect mutuel entre homme et femme en Guinée ?

Il faut dire non. Cela n’existe pas parce que les gens ne comprennent pas un peu le concept de l’égalité et de l’équité. On dit équité du genre et égalité des chances. L’égalité des chances consiste en quoi ? C’est que, lorsque vous avez une fille et un garçon à la maison, donnez-leur les mêmes chances pour réussir dans la vie. Leur donner les mêmes chances ne consiste pas à dire tiens, je vous mets à l’école. C’est de voir pourquoi l’un ou l’autre a plus de facilité de continuer les études plus loin et l’autre non et de voir quel appui il faut donner à la partie qui n’a pas suffisamment la capacité de continuer dans la vie, lui donner les outils nécessaires pour continuer. Il est plus facile pour un père de dire à sa fille de 16 ans de se marier que de dire à son garçon du même âge de se marier. Quand on a 16 ans, on vient d’avoir le brevet et quand une fille à cet âge, elle peut ne plus continuer les études. Elle va commencer à faire des enfants alors que biologiquement, il est dit que toute grossesse avant 18 ans et au-delà de 35 ans constitue des grossesses à très haut risque. Donnez les mêmes chances aux filles et aux garçons d’aller à l’école, de choisir l’orientation de leurs vies toujours avec l’accompagnement et le conseil des parents. Donc, on dit l’équité du genre c’est lorsque dans les conditions de compétences égales, qu’on utilise ces compétences de la même façon. Ce n’est juste qu’une femme qui a les mêmes capacités ou plus parfois, soit employée pour faire le même travail et que son salaire soit inférieur au salaire de l’homme. C’est une autre forme d’exploitation. Quand on dit égalité des chances, c’est de donner le même chemin et d’appuyer la fille qui est le sexe faible comme on le dit pour accéder au même niveau, c’est d’utiliser les compétences à égalité pour donner les mêmes chances professionnelles aux filles tout comme aux garçon d’avoir une carrière et des revenus décents conformes à leurs compétences académiques. C’est cela le principe, si on le comprend on utilisera toutes nos ressources humaines au même pied d’égalité, on pourra optimiser et faire de chaque citoyen, un acteur de développement et non de créer cette barrière entre homme et femme qui ne concourt pas à un développement harmonieux.

 

Quels sont les efforts qui doivent être faits par les gouvernants, les hommes mais aussi par les parents pour qu’il y ait cette égalité des chances ?

Aujourd’hui, l’effort incombe d’abord au gouvernement à travers les textes de loi et l’application correcte de tout ce qui est arsenal juridique pour protéger les femmes et les personnes vulnérables. Le deuxième volet, c’est de sensibiliser les communautés et les populations à utiliser le droit pour se défendre. Quels que soient les outils qu’on mettra en place, si les populations ne s’en approprient pas pour se défendre, ça n’aura aucun impact. Il faudrait aussi penser à impliquer les leaders religieux pour apprendre le contenu réel du Coran. Parce que, contrairement à ce qu’on croit, la religion musulmane n’est pas un frein à l’émancipation de la femme. Si on regarde les premières périodes de l’Islam, la femme du Prophète Mahomet (PSL) qui est Nènè Kadiza (que Dieu soit satisfait d’elle) était une riche commerçante, qui a hérité d’une grosse fortune de son papa, qui menait des activités commerciales très fructueuses et qui employait même le Prophète (PSL) et qui a fini par l’épouser. C’était aussi une femme qui avait déjà fait un premier ménage. C’est pour vous dire que l’Islam ne brime pas les femmes et ne les relègue pas au second plan. Tant que les gens ne vont pas prendre le temps de connaitre leur religion et de s’approprier des concepts, quelqu’un d’autre va toujours interpréter à sa manière pour essayer d’asservir celui qui ne connait pas bien sa religion. L’Islam a toujours recommandé de toujours respecter les femmes, de protéger la femme. Quand vous allez dans des pays arabes, les femmes ne sortent pas, ce sont les hommes qui sortent pour faire les courses. Mais ici, non seulement elle sort pour aller chercher à manger, elle vient, elle prépare et donne à manger. Elle est au four et au moulin et par fini, elle tombe sous les poids de ces taches très lourdes et difficiles. Ce qui réduit même son espérance de vie. Il faut que les leaders religieux s’impliquent pour expliquer la vraie version du Coran, de son contenu, des hadits aux femmes. Vous verrez très rarement une femme instruite en l’Islam se faire écraser par un homme parce qu’elle connait ses droits. Je pense que le travail est à plusieurs niveaux et il faut qu’on s’en approprie pour vraiment donner un autre visage à notre religion qui est la religion suprême.